Encore et toujours....
Cet homme était sur France Inter au
Grand Entretien mai 2012.
Morceaux choisis...
Deux choses m'ont amené à la philosophie : les femmes et la mort.
La mort c'est résolu ! Pas la femme ! C'est toujours un mystère pour moi, un mystère merveilleux. Je trouve toutes les femmes, des petites filles aux grand-mères magiques, merveilleuses, formidables, extraordinaires et c'est tant mieux que le mystère demeure. La mort, cela a été ma grande angoisse, ma grande peur, ma grande inquiétude. Moi, quand je suis né, j'avais un vieux papa, et donc j'ai eu peur qu'il meurt très vite, très tôt et tout le temps,et puis, il a bien fallu que ça eu lieu il m'a fait le cadeau de m'offrir ça, dans mes bras, il avait 88 ans,, bon voilà... donc évidemment j'ai changé d'avis. Evidemment cela me terrorisait, adolescent je me demandais quel sens avait l'existence si l'on devait mourir... . Lucrèce apporte des réponses très concrètes sur la question de la mort, des réponses d'Epicure : si la mort est là, je ne suis plus, si je suis là, elle n'y est pas encore.. On se dit là, un beau jeu de mot ! Pas du tout. C'est très efficace de comprendre que l'on ne peut pas se pourrir la vie avec l'idée de la mort. Quand elle arrivera ce sera déjà bien assez tôt. On ne va pas faire de telle sorte que la mort soit présente au quotidien toute notre existence. Attendons qu'elle soit là et quand elle sera là, on verra bien. Mais, quand on verra bien, on aura aussi les moyens de l'envisager, c'est la question de l'instant. Savoir habiter l'instant, ne pas parasiter l'instant par le passé ou par le futur.
Le présent, il faut d'abord savoir qu'il existe, le repérer et être capable d'en faire une description ou d'en avoir une sensation ou de percevoir de manière très émotive, d'être dans la jouissance du pur instant, savoir que cela existe. Ensuite se dire que si on le laisse, cet instant, parasité par le passé, c'est peine perdue parce qu'on a aucun pouvoir sur le passé, en revanche, on a du pouvoir sur les représentations que l'on a du passé. On peut se dire, j'aurais dû faire ceci, j'aurais pas dû faire cela, j'aurais jamais dû rencontrer telle personne, j'aurais jamais dû lui faire confiance, ou j'ai été jeune et je ne le suis plus...ou j'ai été riche, je ne le suis plus...On ne va pas pourrir l'instant avec le passé, pas plus avec le futur en disant plus tard, je serai peut-être gros, malade. Oui bien sûr, on va être malade, on va mourir, on va vieillir, on va souffrir, on va être trahi, on va trahir, on va tromper, etc....
Quand on a déjà compris ça, c'est à dire, éviter les interférences entre le passé et l'instant présent et le futur et l'instant présent, qu'on a dégagé le présent en se disant vivons comme quelque chose d'extraordinaire puisqu'il ne reviendra jamais, que les plats ne repassent pas et qu'il faut densifier chaque instant, le vivre comme si c'était le dernier instant et en faire une belle chose ! Alors, à ce moment là, on a réussi à résoudre le problème de la mort.
Le surhomme est une proposition de sagesse contemporaine. Ce que Nietzsche nous propose dans le surhomme... c'est une invitation à vivre ! On devrait dire, le surhumain parce que ça marche pour les femmes aussi, c'est une invitation à savoir que nous sommes des fragments du cosmos, que nous ne sommes pas libres, comme cette connaissance-là donne une sorte de béatitude, grande leçon de Spinoza et qu'en aimant ça, « amor fati » (Nietzsche) on découvre une espère de joie, de pur plaisir d'exister.
"Pourquoi faudrait-il aimer rarement pour aimer beaucoup." Albert Camus
Je pense qu’on fait avec le corps que l’on a, et que l’on a des énergies plus ou moins importantes, des configurations différentes. Il n’y a pas un modèle d’être libidinal qui vaudrait pour tout le monde et donc une configuration physiologique, puis après, une configuration psychologique, personnelle, subjective avec des gens qui ont des complexions (exhibitionniste, maso, voyeuriste…) toutes ces pulsions sont normales, et qu’après on en fasse quelque chose… un jour on rencontre la société, qui dit oui d’accord ça, ça pas d’accord. Cette configuration fait que l’on entre depuis Saint Paul, depuis le christianisme dans une formule qu’est celle de la monogamie, de la fidélité, de la cohabitation et des enfants : il faut quand on aime, n’aimer qu’une personne, vivre avec cette personne lui faire des enfants et éventuellement on peut divorcer et puis on recommence… le reste c’est dans l’hypocrisie, c’est la tromperie, c’est ce genre de chose. Moi, je ne suis pas dans cette logique là, je ne pense pas que ce soit « le » modèle, c’est « un » modèle. Le modèle cela peut convenir à des gens, d’autres modèles peuvent convenir à d’autres personnes aussi et je pense qu’il nous faut définir l’amour très subjectivement. Je pense que l’on aime quand on a envie de vieillir et de mourir avec quelqu’un. Alors on peut dire non, aimer c’est réservé son corps à quelqu’un, c’est la fidélité sexuelle par exemple et si on n’est pas fidèle sexuellement c’est qu’on n’aime pas. C’est tout l’enjeu de la vie d’Albert Camus, on dira ; il a eu beaucoup de femmes dans sa vie, oui d’accord mais il en a eu une qu’il n’a pas quittée, non plus. Et quand elle a eu de vrais problèmes de santé, qu’elle a été hospitalisée, il était là, il a annulé des voyages, des déplacements. Bien sûr qu’il y avait des occasions de folâtreries ici et là, ailleurs avec d’autres femmes, mais il y avait sa femme, son épouse, la mère de ses enfants…
Il faut tout dissocier, l’amour, la sexualité, la procréation, la cohabitation, les enfants. On sait aujourd’hui qu’on peut différencier les enfants de la sexualité de la procréation, on peut avoir une sexualité sans enfant, il suffit d’utiliser des moyens contraceptifs, on peut même avoir des enfants sans sexualité, il suffit d’utiliser des procréations médicalement assistées, on peut avoir des relations sexuelles avec des gens que l’on n’aime pas, on peut avoir des relations sexuelles avec des gens que l’on aime, on peut aimer des gens avec lesquels on n’a pas de relation sexuelle, toutes les configurations sont possibles. Il y a juste des choses que l’on ne dit jamais, les gens ne disent pas quel effet le temps a eu sur la libido de leur couple, tout le monde fait semblant de dire c’est parfait, extraordinaire, fantastique.
Il faut imaginer qu’il y a de l’amour quand il y a de l’impossibilité à vivre sans l’autre. Quand on a défini ça, alors on rendait possible quelque chose qui a été essayé mais raté par Sartre et Beauvoir qui était cet espace de couple dans lequel la liberté fait la loi, pas la contrainte. Après je pense que les erreurs de Sartre et de Beauvoir ont été de jouer la carte de la transparence dans des logiques un peu pervers, c’est de prendre à témoin…
On peut imaginer qu’à 20 ans on n’est fait pour être épicurien et qu’à 50 on est fait pour être stoïcien, parce que la vie nous a appris un certain nombre de choses.
Donc, le bonheur je le crois toujours possible,
Je persiste à croire que le bonheur tout seul, ce n’est pas pensable mais qu’au fur et à mesure on s’aperçoit qu’il est de moins en moins présent et qu’on considère qu’il y a du bonheur quand il n’y a pas de malheur.