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Folia

Fourvière, danse, Merzouki, Folia

" Je ressens toujours ce besoin de m'appuyer sur des éléments scénographiques pour inventer ma danse. Je me suis dit qu'il fallait aller puiser dans la folie des hommes vis à vis du monde, de la planète."

Mourad Merzouki

 

Un regard croisé... et émerveillé sur "Folia" de Mourad Merzouki présenté dans le cadre des Nuits de Fourvière.

Je vous propose le regard de Jack :

La Grâce de la Folie

L’association de la grâce et de la folie est presque un oxymore. La folie peut-elle être belle ? Par le jeu de la musique et de la danse, Folia parvient à traiter ce thème avec une élégance à couper le souffle. L’alliance, improbable au demeurant, entre la musique baroque et le hip-hop semble opposer deux mondes culturels sans connexion ni dans le temps ni dans l’espace. L’austère de la musique baroque face au fantasque du hip-hop ! Et pourtant la magie opère. Oui, le chorégraphe génial a d’abord relié puis solidarisé et enfin fusionné ces deux mondes en un univers unique. La musique et le ballet se confondent pour adresser au spectateur des flots et des flux d’émotions qui vont le transporter.

Le choix de la tarentelle comme source baroque populaire défile inlassablement en boucle et rejoint les figures vives et tournoyantes, gloires du hip-hop. Dès les premiers accords de la guitare, les danseurs s’avancent dans des reptations désarticulées, symboles déjà de ruptures d’équilibres. La folie entre en scène. Ils rejoignent cinq globes représentant des planètes dont l’une se détache par sa couleur bleue et ses dessins de continents. La Terre telle qu’on la voit depuis l’espace. Les danseurs se redressent et entament une chorégraphie diabolique faite de sauts, de rebonds sur les sphères, de passements de jambes, de lancers de globes comme des ballons. La danse fait penser  au mythe de Sisyphe, arc bouté à remonter encore et encore son rocher, à celui d’Atlas portant le monde sur son dos mais aussi au chaos qui chamboule l’ordre naturel des planètes. La folie du monde ira jusqu’à déstabiliser le cosmos, dépeint sur le rideau transparent qui voile les musiciens. Ce tableau est ponctué par le rythme bref et incisif de l’oeuvre de Vivaldi,  Adagio du concerto RV 578, monument de la musique baroque. La baudruche Terre finira par exploser et retomber en poussière.

Le maillage entre musique et ballet est total lorsque la cantatrice et les musiciens se mêlent aux danseurs. Avec un jeu scénique original arrivent des coques rondes aux armatures dorées, véritables physalis qui délivrent leur amour de la musique et du chant baroque. Dans un des tableaux, les pétales de la cage se déploient en une robe magnifique, habillant et surélevant la gracieuse chanteuse, Heather Newhouse. On aurait cru Cendrillon dans sa métamorphose en princesse.

Le ballet joue en permanence sur les contrastes de couleurs. La lumière orangée suave, enveloppe visuelle de l’orchestre adoucit les sons parfois grinçants de la musique baroque. Elle s’oppose à une froide lumière cendrée, ni blanche ni grise, qui suggère la tourmente et peut être la démence. La folie est toujours là.

Mourad Merzouki nous dit que son ballet ne raconte pas d’histoire. Il envoie des tableaux au public et laisse le soin à chaque spectateur de vivre ses émotions. Chantre de la liberté, il ne veut pas imposer un récit à chacun de nous. Il livre une facture pour laquelle il avoue avoir voulu « aller dans un territoire inconnu pour être bousculé et prendre des risques ». Son souhait est de transporter le spectateur. Franc-Emmanuel Comte complétera en insistant sur la tarentelle qui peut guider jusqu’à la transe et par la même rejoindre le hip-hop. L’ultime tableau en est une démonstration criante avec un derviche tourneur qui nous chavire.

 Folia est du grand Art. La beauté éclate à chaque pas de danse, à chaque son, à chaque rythme. Elle laisse le spectateur repartir avec des étoiles dans les yeux. A n’en point douter Mourad Merzouki est un orfèvre de la Grâce.

Jack BERNON

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et le mien :

Fourvière, c’est de la Folia...

Les danseurs arrivent en se contorsionnant, rampant sur la scène dans un décor cosmique où les planètes sont de gros ballons posés au sol.

Se mettent alors en place des mouvements saccadés, ponctués par la musique baroque, le ton est donné… On chavire dans un autre monde où les jambes sont des aiguilles, le sol est élastique, le rythme est sentence, la musique est envoûtante et la voix cristalline…

On pourrait décrire les différents tableaux. Le côté magique de la mise en scène, cet univers tout en rondeur...  De grosses boules sur lesquelles on rebondit… Des danseurs qui "s’approprient" la terre, la retiennent, la propulsent dans les airs pour qu’enfin elle éclate en plein vol…. Un trampoline circulaire sur lequel, une femme va s’épuiser, repoussée inlassablement par les autres danseurs, genre « belle au centre », il faudra alors que le sol bascule pour qu’enfin, elle puisse s’extirper de ce cercle infernal.  D’autres grandes sphères servent d'écrin à certains musiciens leur permettant de passer devant le rideau. L'une d'entre elles se transformera en superbe robe de princesse pour la chanteuse. Et ce derviche tourneur « hypnotique » qui n’en finira pas…. Boules, ballons, sphères, tournis...  traduiront la rondeur de ce monde qui ne tourne plus toujours... très rond.  

Il y aurait beaucoup à dire ! 

Tout d’abord saluons le mélange, le métissage, cette magnifique rencontre collaborative de  Mourad Merzouki directeur artistique et chorégraphe et Franck-Emmanuel Comte, concepteur musical du Concert de l’Hostel Dieu

Félicitons aussi le travail et la folle énergie de ces 17 danseurs,  de ces 7 prodigieux musiciens en tenues d’époque et de cette splendide soprano, Heather Newhouse, toute de rouge vêtue,  .

Quel immense bonheur quand toute la troupe viendra devant la scène autour de Mourad Merzouki, souriant, comme à chaque fois…  sous les applaudissements de ce public conquis en cette magnifique soirée d’été dans ce théâtre antique de Fourvière.

Il manquait juste les petits coussins typiques distribués d'habitude au public avant le spectacle. . Ils devraient « arriver la semaine prochaine », nous a-t-on dit…. Dommage parce qu’en principe, ils volent généreusement sur la scène pour exprimer la joie du public à l’issue de la représentation. Là, nous n’avions  que nos mains… mais tous debout  pour une interminable et vive standing ovation, Lyon a fait du bruit pour Merzouki, on lui doit bien cela !

 

FOLIA -  Mourad Merzouki - Pièce pour 17 danseurs et 8 musiciens

Conception musicale : Franck Emmanuel Comte et Le Concert de l’Hostel Dieu

 

 

 

 

Commentaires

  • Bonjour,
    Merci pour ces 2 beaux articles !! Juste une petite remarque, il ne s'agit pas de l'Air du froid de Purcell, mais du 1er mouvement (« Adagio ») du Concerto RV 578 de Antonio Vivaldi ;)

  • Merci Mathilde pour cette précision... Tout comme Jack, je connaissais Cold Song de Klaus Nomi....
    Vivaldi et Purcell... là, la ressemblance est tout de même assez étonnante...
    As-tu vu aussi ce spectacle ?
    Au plaisir de te lire....

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