Résidents de la république
« Qui est le grand chorégraphe,
sinon ce grand fada sacré que la société semble payer
pour le rachat de la mort des gestes »
Hervé Guibert
Ne pas sortir indemne, que quelque chose reste !!
Parfois, on aimerait que ça dure encore, que les lumières ne s'allument pas, on voudrait rester dans notre fauteuil confortable, continuer à ne regarder que la scène et les artistes enchanteurs, rester tout contre celui que l'on aime, ne pas séparer nos mains unies durant tout le spectacle. Et même si tout autour ce sont des étrangers, on a l'impression d'avoir vécu quelque chose de fort, tous ensemble… On n'a pas envie de se lever, d'être ébloui par la lumière agressive de la salle, d'affronter le froid de l'extérieur, la folie des hommes, l’absurdité de ce monde… On souhaiterait juste préserver le ressenti, sans y mettre de mot, sans chercher à comprendre. L'impression de grâce, de sérénité, d'humanité nous a envahi peu à peu, et on s'est volontiers laissé pénétrer par le spectacle offert : les gestes, la musique, les mots dits, les jeux de lumière… L'émotion a pris toute sa place…
Mais c'est fini, alors que l’on rêverait d'encore !!! Quelques-uns avec leurs grosses voix ont crié "bravo", d'autres ont applaudi à s'en bruler les mains, je me suis levée, comme d'autres, j'ai laissé rouler quelques larmes sur mes joues… et j'ai pensé que certains hommes avaient un beau regard sur les autres, sur le monde, et que d'être capable de donner tant de bonheur c'est vraiment bien !
C’était la deuxième fois que j’allais voir un spectacle de Jean-Claude Gallota.
La première fois c’était Daphnis é Chloé. Une transposition en noir et blanc et à 3 voix de la fureur de vivre, de l’amour fou ! De beaux jeunes danseurs : Francesca Ziviani, la jolie brune qui tourne la tête à Nicolas Diguet, le fougueux et à Sébastien Ledig, filiforme, au torse nu…Beaucoup de sensualité, de grâce, d’équilibre, de fougue, de passion.. Magnifique !
La deuxième fois, c’était hier et "Racheter la mort des gestes" m’a vraiment remuée. Un vrai puzzle s'est constitué tranquillement : la nana à la plastique parfaite aux jambes longues, longues, longues… mais aussi le mec « normal » poilant, le mec poilu, le mec à poil, la nana un peu forte, la danseuse de tango, le couple de paralysés en chaise roulante, les hommes en robe, la femme sans rien sous sa robe, le grand père et son petit fils, celui qui a mal aux genoux, celle qui a rêvé d'être danseuse, celle qui ne l'est plus. Alors oui, il est possible de danser même avec un corps imparfait, mutilé, vieux ou gros… La grâce est partout, il suffit juste de se permettre…. et d'être prêt à lever le voile et à accueillir…. Et puis Gallota parle de lui, de ses souvenirs, un hommage à son ami, et à sa maman morte le soir d’une avant-première… Bref, un vrai tableau intime, sincère, terriblement touchant….Un bien beau spectacle…
Ne pas partir indemne, pari gagné ! ça c'est sûr !!