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Il est encore loin, le mur ?

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Nous y sommes.

par Fred Vargas

 

 

http://www.europeecologie.fr/blog/nous-y-sommes

 

Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes. Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés. On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité. Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre. Certes.

Mais nous y sommes. A la Troisième Révolution. Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie. « On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins. Oui. On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau. Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse). Sauvez-moi, ou crevez avec moi. Evidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance. Peine perdue. Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est –attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille- récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés). S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire. Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde. Colossal programme que celui de la Troisième Révolution. Pas d’échappatoire, allons-y. Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie –une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être. A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution. A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

Fred Vargas

Commentaires

  • Ce texte est génial, merci de me l'avoir fait connaître. On se demande vraiment où tu vas chercher tout ça ;-)

  • Merci Cy-real, merci Tattouille, mais surtout merci Fred Vargas !!!

    En plus, je lis toujours avec un immense plaisir les aventures du commissaire Adamsberg et de l'inspecteur Danglard, et je découvre avec horreur, que je n'ai pas fait de fiche sur cette super-nana ! Va falloir y remédier....

    http://www.linternaute.com/sortir/auteurs/fred_vargas/vargas.shtml

    Toujours de bon conseil ce Cy-real !!! ;-)

    Une visite s'impose : http://www.cy-real.com

  • Oui, excélent texte, mais qui ne parle vraiment qu'à ceux qui sont déjà sensibilisés à cette cause !!!
    Car jamais l'Homme ne se résoudra à tous les efforts qu'il faut faire pour y parvenir. Son égocentrisme est sans limite !!!
    Alors oui, préparons-nous au pire. On peut déjà s'habituer en regardant les pays les plus pauvres attaqués les premiers (pauvres bangladeshis) et jusqu'à la destruction totale. Et puis on peut fliper à chaque alerte météo en France, histoire de commencer en sentir le goût de la peur. Mais seulement la peur, car la culpabilité... c'est une autre histoire !!!

  • Tu as raison Tommie,

    C'est droit devant... en avant toute ! ;-(((

  • Très beau texte.....mais ça fait pas sourire Mona.....!
    :-))

  • très beau texte , beau coup de plume , rien à redire la dessus mais , tant pis si je me fais arracher , mais ça manque un peu d'espérance tout de même. dans la série je broie du noir , on est foutu, pour démoraliser un régiment il n'y a pas mieux. heureusement qu'il y a tout de meme des types qui ecrivent sur l'espérance , même sur un sujet aussi sérieux.
    Dudule

  • ça ne me fait pas sourire non plus, El Papou !!! ;-((((

    Dudulle : De nature plutôt pessimiste, je trouve qu'effectivement le tableau est noir et je me demande bien où l'on pourrait trouver de l'espoir ? L'homme deviendrait-il meilleur, moins con, moins égoïste, plus sincère, plus solidaire ? Cesserait-il sa course au profit ? Respecterait-il enfin son environnement et ses frères ? Serait-il plus à l'écoute des autres, de la Nature ? J'avoue ne pas trop y croire....

    On rêve d'aller vivre sur une autre planète, après celle-ci, il faudrait aller polluer ailleurs ?

    L'homme va à sa perte, et c'est bien comme cela, il n'a que ce qu'il mérite !

    Je suis tout de même là, je tente alors de faire ce que je peux et c'est bien peu ! Quand je vois qu'il y a plein de gens qui sont incapables de faire 50 mètres pour aller mettre leurs bouteilles dans le container de verre, que les poubelles recyclables sont pleines de sacs plastiques... ce sont des gestes qui ne coûtent rien... et puis pas moyen... On n'écoute pas les grands scientifques, on ignore les débuts de solutions apportées par les écologistes... La prise de conscience est là, mais il y a tant à faire et ils sont si nombreux à s'en foutre royalement !

    Alors je fais de mon mieux en respectant mes convictions, je n'ai pas tout juste, moi non plus !
    Je pollue comme tout le monde, je fais partie de cette grande spirale destructrice, de ce trou noir gourmand....
    Cela ne m'empêche pas d'apprécier les belles et bonnes choses, d'être attentive et admirative.. Comme beaucoup, mais cela ne changera rien...

    Et de voir comment mes chers concitoyens votent ne me rassure pas !

    Et puis pour se donner du coeur à l'ouvrage : http://programmes.france3.fr/pieces-a-conviction/51415247-fr.php

  • On y est. Cette fiction est une réalité. Plus de 10 ans que les scientifiques, annoncent les perturbations climatiques, le déplacement des champs d'énergie, le Gulf Stream, la couche d'ozone, la fonte de la banquise, la disparition croissant de nombreuses espères animales et végétale.

    Nous y sommes.

    Nous sommes dans une société bâtit sur le développement économique, l'enrichissement personnelle d'une élite à travers la consommation de la masse populaire. Mange et tais toi. Créant des besoins de plus en plus illusoires... Une société, un empire qui a parfaitement défini et exploite les faiblesses humaines, ses penchants.

    Il n'a pas fallu chercher bien loin la Bible les avait déjà mise en évidence, il ne restait qu'à exploiter le filon, créer tout d'abord, la contradiction, le désir pour finir sur une certaine culpabilité, qui elle-même crée la peur, qui elle-même nous fait croire à une certaine impuissance, qui elle-même nous permet d'adhérer à la grande machination, à la grande désillusion de notre siècle.

    Une crise économique qui serait là pour nous annoncer le grand départ, la chute d'un régime, la chute d'une peuple... une crise économique qui serait là pour nous avertir, nous demandant de réagir... à voir autrement. Ne pas tenter de relancer un système qui va à l’encontre de nous-même.

  • Mais qui a écrit la Bible ???

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